• München

    München

     

     

     

    Nous sommes entrés, les mains ouvertes, sur les pavés brillant de lumière de fantastiques médianoches. L'église des dames se penchait sur la Marienplatz. Nous avons vu les gnomes aux yeux de porcelaine, aux joues rouges, trousser haut leur redingote et danser autour de l'horloge une chaconne sans ficelle. Et planait dans l'ombre éclairée de phares glissants une musique diffuse, la connivence des songe-creux.

     

    Les portes roses de l'ancienne ville distillaient la lumière chaude du dernier après-midi, été miraculeux du mois d'octobre. Nous avons regagné en titubant le miroir à hiboux, croisé deux amoureux qui choisissaient des meubles, composé sur le glouglou d'un lavabo voisin un opéra d'avant-garde. Et j'oubliais : rencontré au coin de la Müllerstrasse, près du théâtre des Marionnettes, le vieux marchand d'orviétan qui radotait des fantaisies à la manière de Satan. J'ai ouï, dans les cafés, d'inquiétants dialogues qui finissaient dans un étranglement si prodigieusement rauque et profond qu'ils m'envoûtaient sans que je les comprisse. J'ai frémi aussi à certains mots chuintants, frisés comme le champagne et qui semblaient amener sur les visages, pour un instant, la même euphorie légère des flûtes de cristal. Nous avons, mon amour pour Heinz dans mon manchon et moi, dévidé la nuit munichoise et visité les bancs publics du paisible jardin botanique, espérant y trouver l'amulette de quelque étudiant possédé ou le grimoire d'un conseiller aulique, mais nous n'avons surpris que la chambre ordonnée d'une Allemagne consciencieuse et presque maniaque.

    Hélène Aribaut

    Munich 1965

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