• J'essaierai de remplacer les mauvaises photographies par des scanners comme celui-ci.

    (D'après une carte postale, reproduction de Léonard de Vinci).

     

    Huile sur bois

    Animation de l'oiseau de paradis et de la vigne vierge.

     Estampe réalisée à partir de mes peintures.

    Estampes  3

    Le Cambre d'Aze, dans les Pyrénées Orientales.

    (encre de Chine)

    D'après la célèbre photographie d'Edouard Boubat, Le cerisier du Japon

    (gouache)

     

    Vigne vierge de la Colombine (pastel)

    Paysage de Haute Provence à la gouache

    (le reflet du verre déforme les couleurs)

    D'après Odilon Redon.

    D'après le baiser de Rodin.

    (sanguine)

    Transfusion (gouache)

     

    Sainte Victoire vue de nos fenêtres ( huile sur carton toile)

     

    Lavis

     

     

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  • Oisive mémoire

    Toujours accrochée

    Aux vieilles histoires

    Des choses passées

     

     

    Dis-moi plutôt l'heure

    Des claires demeures

    Qu'un futur espère

    En gouttes émues

     

     

    En verts yeux de verre

    Qu'aucun fil ne mue

    Vers la ronde glace

    Où l'esprit se lasse

     

     

    Inverse les dates

    Gravées sur la tour

    La soeur délicate

    Des tendres amours

     

     

    A compris l'astuce

    Et qui que tu fusses

    T'aimait sans connaître

    Ton nom ni ton âme

     

     

    Quelle est ta fenêtre

    Interdite aux femmes

    Pour qu'un jour j'y ose

    Un bouquet de roses ?

     

     

    Que dit ton oreille

    Des rimes câlines ?

    Et que me conseille

    L'instinct de ta mine ?

     

     

    Laissons mes rimailles

    Et rien ne te vaille !

    Oisive mémoire

    Toujours accrochée

     

     

    Aux vieilles histoires

    Des choses passées

    Dis-moi plutôt l'heure

    Des claires demeures

    Oisive mémoire

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  • Vois : notre bulle ondule

    Palpite…telle un tulle

    Glacé

    Et pâlit, puis se brise,

    Passée.

     

    Mais une autre plus belle,

    Transparente ombelle

    D’air pur,

    S’enfle et s‘envole,

    Subtile parabole

    D’azur.

     

    Ton souffle la fait fuir.

    Hélas, elle va mourir

    Bientôt.

    Mais luit encor son aile ;

    Tous les ors y chancellent

    A séduire Watteau.

     

    Une illusion l’irise,

    Notre désir l’attise

    Une dernière fois

    Pour fondre à mon regard

    Qui a senti trop tard

    Passer l’ultime joie.

     

    La nouvelle est plus ronde

    Et plus lourde, on dirait.

    Suspendue comme un monde

    A quelque dieu distrait,

    Elle titube, lente.

    Tous les angles l’aimantent

    Qu’elle frôle sans voir…

    Ma prière la guide et ne respire plus…

    Mais elle tombe enfin, trop imbue de sa gloire,

    Comme un fruit éclatant et de soleil repus.

     

    Vois sa dansante fille

    Qui se moque déjà

    En cueillant des myrtilles

    Sur le bout de mes doigts.

    Le heurt d’une corolle

    La tuerait comme on joue.

    Mais elle est trop frivole

    Pour penser à tout.

     

    Gronde donc cette folle

    Insoucieuse du sort

    Qui fait la farandole

    Et butine sa mort.

     

    Mais quel courant l’enlève

    A notre inquiétude ?

    La nue soudain se lève

    Et savamment élude

    Ce grelot si ténu.

    Où donc, dis, où es-tu,

    Caprice de lumière,

    Toi que je préférais,

    O toi qui le savais ?

     

     

    Hélène Aribaut

    Toulouse 19 Avril 1965

     

    Si vous aimez, ne le gardez pas pour vous !

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  • Une seule larme

    Dans mon étang

    Et toute la nuit

    La lune s’y voit ridée        

       O

     

    Une allumette brève

    pour ta route de nuit

    Je ne vends pas je te la donne

    Un poème

    O

     

      La tragédie sied à la jeunesse

    Quand jeunesse est passée

    l'humour

    est vêture exquise

    O

    Tu as raison

    grâce est donnée

    selon toi

    par qui ?

    O

    Quand de force

    La chair s’humilie

    L’âme aussi

    Doit se faire douce

    O

    L’éphémère se dit

    Mourir ne m’effraie pas

    j'ai déjà de vieux os

    O

    Ma pauvre herbe est flétrie

    Mais un baiser de Dieu

    Et elle resplendira

    O

    N'éteins pas la lampe

    A quoi bon ?

    Entends cliquer le morse

    Il faut obéir

    O

    La lune est ronde enfin

    sur son étang

    Mais la grenouille

    ne dormira plus

    O

     

    Hélène ARIBAUT

                                                                                                     30 Janvier 2001

     

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  • Les orgues construisaient l'édifice

    de l'éternité en surplis

    les doigts croisés selon le rite

     

     

    Je fixais le brun doré des boiseries liturgiques

    et du pot-au-feu familial

    avec leurs pâles yeux de cire et de graisse

    qui moiraient la lumière

     

     

    Parfois l'homme parlait,

    patriarche, devin, poète,

    et je croyais

    j'étais petite fille

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  • Tout le monde connaît l'histoire du vilain petit canard. On sait quelles furent ses souffrances tant qu'on le crut et qu'il se crut un canard mal fait. On sait aussi à quel point il s'efforçait de vivre comme tous les canards, et même de devenir un joli canard, afin d'obtenir l'amour de chacun. Sa mère disait de lui : " C'est mon enfant aussi." Cet aussi lui perçait le coeur, et il eût préféré qu'elle ne dît rien.

     

     

    Quand il lui fut révélé qu'il n'était pas un canard mais un cygne, l'un de ces beaux oiseaux blancs qu'il avait admirés de loin et enviés, il ne se tint plus de joie et oublia les douleurs passées. Il pardonna de bon coeur à tous ceux qui l'avaient persécuté par ignorance, et crut qu'il allait désormais être heureux.

     

     

    C'est là qu'Andersen s'est arrêté. Comme d'autres histoires s'arrêtent au moment où les gens s'embrassent, où ils s'épousent, où ils ont beaucoup d'enfants. Sur un bon moment, là où l'on est en droit de supposer que tout va aller bien. Tout le monde est content, le lecteur à qui l'on donne l'espoir de bien "finir" sa propre histoire, et qui en supporte mieux les vicissitudes, l'auteur qui s'est fait plaisir, et tous ceux qui ne lisent pas mais à qui les lecteurs transmettent leur optimisme.

     

     

    La vie, elle, ne s'arrête jamais, ni sur un bon ni sur un mauvais moment. Elle continue seulement, aveugle et puissante comme un fleuve.

     

     

    Le vilain petit canard fut emporté par elle. Il fut donc cygne, un cygne très ordinaire, aussi beau que tous les cygnes, sauvages surtout. Il respira à sa mesure, s'éprit de liberté et de grands espaces, mena la vie normale de son espèce. Mais, de même qu'il n'avait pas été un canard comme les autres, il ne fut pas non plus un cygne tout à fait semblable aux autres cygnes. Ceux-ci ne s'interrogeaient jamais sur eux-mêmes, sur leur beauté, leur liberté, la force prodigieuse de leurs ailes qui pouvaient les emporter si haut, si loin. Ils ne ressentaient nul privilège et jugeaient que leur belle vie leur était due. Notre cygne au contraire, qui se souvenait d'avoir été canard, parce qu'il avait durant son enfance été traité comme tel, goûtait avidement chacun des plaisirs qui lui étaient donnés, en rendait grâce, s'extasiait. Et puis, il lui était resté de sa petite enfance une sensibilité très vive, accrue encore par les mauvais traitements, et sous les plumes éclatantes de blancheur, sous les ailes puissantes qui l'enlevaient, grelottait une âme malingre et souffreteuse, craintive toujours, comme si son bonheur était usurpé et pouvait sans préavis lui être ôté. Ce n'était pas pourtant un bonheur bien scandaleux, il n'était pas un bien grand cygne, et il avait bien mérité un peu de calme et de réjouissance. Mais il avait une mémoire précise et une conscience exigeante. Il se rappelait ses frères qui barbotaient toujours dans le vivier au fond du jardin, qui enfonçaient leurs palmes dans les crottes de la basse-cour et se querellaient pour une tête d'anguille. Il avait oublié leur méchanceté à son égard. Il pensait à sa mère qui avait eu pour lui des élans d'affection car il nageait bien.

     

     

    Il lui prit l'envie de les revoir. Il pensait, en sa naïveté, que sa mère serait fière de le voir devenu si beau, si grand. Elle l'avait couvé, élevé, c'était sa mère. Il entreprit un long voyage à sa recherche. En chemin, il rencontra des cygnes domestiques qui mendiaient des croûtons dans les canaux mal tenus d'un jardin public, et apprit que le sort des cygnes n'est pas nécessairement enviable. Il fut tenté de partager leur vie, par humilité et compassion, en souvenir de ses frères canards. Mais le goût de l'espace l'emporta et il reprit son vol.

     

     

    Il finit par retrouver sa famille. Comme l'enfant prodigue, qu'il n'était pas, il s'imaginait de chaudes retrouvailles, sa mère attendrie et fière, ses frères et sœurs plus sages et mieux intentionnés. Mais quand, passée la première frayeur de ce grand oiseau s'abattant au milieu de la basse-cour, les canards surent à qui ils avaient affaire, ils ne firent qu'envelopper d'hypocrisie leur sotte envie et leur rancune. Sa mère lui fit beaucoup de compliments et le montra partout. Il raconta ses voyages, décrivit des pays, des moeurs. On ne lui pardonna point d'être si intéressant. Il croyait vivre là, du moins quelques temps, mais on lui fit comprendre qu'il n'avait pas sa place, qu'il ne l'avait jamais eue, d'ailleurs. Sa mère elle-même se mit à lui décocher de ces petites flèches qui ne blessent pas ouvertement et dont on ne peut faire état. Elle lui vantait les mérites de toutes ses couvées de canards et, quoi qu'il fît ou dît, ne fît pas ou ne dît pas, il eut toujours tort.

     

     

    Il s'en alla, aussi tristement que la première fois. Il connut de nouveau l'ivresse de l'altitude, la volupté de s'appuyer sur la toile du vent, de glisser dans les airs en embrassant des plaines et des montagnes, de mirer le soleil sur son plumage blanc, et bien d'autres joies encore que les cygnes sont seuls à connaître. Mais toujours, toujours lui resta cette tristesse, cette amertume, cette souffrance d'enfance dont on ne peut guérir.

     

    Quand il mourut, il chanta comme on dit que chantent les cygnes. Ceux qui l'entendirent frissonnèrent. Ils se demandaient où cet oiseau qu'ils supposaient heureux avait bien pu puiser cette science de la douleur. Ils ignoraient que tous les cygnes ont d'abord pataugé dans la mare aux canards, qu'ils ont désiré ardemment s'élever dans les nues et que, lorsqu'ils ont réussi à s'alléger enfin pour s'envoler, ils se sentent bien seuls et n'ont de cesse qu'ils n'aient fait venir auprès d'eux toutes les canes, tous les canards et canetons d'autrefois, tous les vilains petits cygnes qui eux aussi crient leur solitude et leur soif de paradis.

     

    Hélène Aribaut

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  • La musique s’infiltre en toi comme un poison en redessinant toutes tes arborescences. Elle se met à t’habiter toute et se loge à l’aise en étirant tes parois.

    Tu n’as plus qu’à t’en aller à la recherche d’une autre maison.

    Mais il est déjà trop tard, il n’y a plus d’issue – tu es prisonnière – que dans l’encens qui monte de la cheminée, mais c’est un bras que la musique allonge pour saisir les nuages, et le bras reste attaché au corps qui t’a dévorée. Tu demeures, nulle et entière, dans les viscères chauds de la musique, tu te laisses rouler dans des sécrétions délicieuses que tu ne comprends pas.

    Si tu risques un œil à un orifice, tu n’aperçois qu’un monde ennuyeux et importun que tu annihiles d’un tour de clef avant de te retourner vers les chœurs ivres du dedans, et te tenir au bord de l’entonnoir tourbillonnant qui va t’aspirer, t’avaler, te dissoudre dans la musique, la bienheureuse folie

    « …ertrinken,

    versinken –

    unbewusst –

    höchste Lust » ! *

     

    Hélène Aribaut

    Bonnieux, La Colombine, 24 Novembre 198O

     

    * «  …se perdre, s’éteindre – sans pensée – pure joie ! »

    Derniers mots d’Isolde dans Tristan de R. Wagner.

     

    O

    La nuit tombe brusquement en même temps que la fatigue te jette sur ton lit, mais le vice du dire va l’emporter encore sur le sommeil, et tu allumes ta lampe qui est dehors une veilleuse sous un voile au milieu des champs de novembre. Et tandis que l’homme qui, là-bas, vient de faire taire son tracteur à la fin des heures de labour, s’imagine que tu reposes, paresseuse, en ta maison, tu comptes dans tes os ton travail et ton usure, toutes les douleurs avivées par l’effort sur ton clavier, par ton ascèse musicale, et encore après par la volonté d’extirper de toi la parole qui t’étrangle, de délivrer un peu de ce dire compressé qui te fait mal, de griffer le papier de ces mots indigents, face à l’opulente foule qui voudrait se faire jour et rompre tes barrages. Fatigue, fatigue, après ce que j’ai entrevu, je ne puis croire que tu sois autre chose qu’un provisoire empêchement, l’atermoiement cruel du donneur de cadeau qui n’en finit pas de froisser le papier, de dénouer les rubans d’un présent fabuleux.

     La vraie santé n’est pas d’ici, je m’impatiente de l’attendre. Chaque moment de force et de gloire est suivi de rechute. Le poète s’alite et le musicien, pour le moment, ne s’émerveille que de balbutiements. La joie se consomme elle-même et balaie toute tentative de se chanter, de s’enfermer dans un livre qu’on garde. A l’excès de la joie répond le mutisme et le désir de fermer les yeux pour la rêver, la mort, rêve choisi qui ne prend jamais fin…

    Hélène Aribaut

    Bonnieux, la Colombine, 24 nov.

    publié dans ENCRES VIVES n° 97

    Août-sept. Oct. 1981

    O

     Trop tard, trop tard la musique lui déclara son amour et se mit à la visiter, à lui manger ses heures. Elle s’éveillait fatiguée, triste parfois, mais la mémoire de la musique soudain s’éveillait en elle à son tour, se dressait sur son séant, joyeuse d’une journée qui s’ouvrait. La veille était née une nouvelle fois une Bagatelle de Beethoven, et on allait courir se pencher sur le clavier, sur son berceau. Les doigts impatients titubaient un peu sous l’ivresse qu’ils allumaient eux-mêmes. Les ballerines s'ébrouaient dans un gai désordre, l’orchestre s’accordait et tout à coup le soleil se levait au-dessus du piano béant et derrière le rideau, là derrière où tremble une primevère en pot, rose, tendre, à la merci d’une soif trop longue. Et la musique souveraine balayait tout de sa traîne lente, et je n’étais que langue de sable vernie d’eau qui se laisse lécher et emplir par la mer. Et le délire s’emparait de mes mains, de ma tête et de mon corps qui dansait, tout le buste appuyé sur le pouce qui gronde et insiste, douloureux, tout le bras soulevant l’auriculaire afin qu’il ne pèse pas plus qu’une étamine, et ma tête qui tourne de l’alcool mêlé des mélodies. Et la fièvre me gagne. Mes mains sont chaudes à présent et déferlent. Une marée monte des noirs registres, s’égoutte un moment dans un medium oscillant et grimpe là-haut en courant dans les flaques de soleil d’où elle se jette en rideaux de perles.

    Je m’en vais porter mes pas dans des contrées étranges. Chaque accord de lumière est si beau que je suspends ma jambe, je suspends mon souffle, les cils pris dans un fil de la vierge tendu sur mon chemin. Les parfums montent en même temps que le soleil et vous chavirent.

    A la fin je m’abattrai avec le crépuscule, épuisée, tremblante et sans force pour faire parler d’autres voix. Les mots infirmes tentent de grotesques envols. L’aigle facile coule son ventre sur l’altitude, et je vois devantmoi la musique reculer toujours plus haut sa cime éblouie.

    Hélène Aribaut

    Bonnieux, la Colombine, 24 nov. 198O

    Publié dans ENCRES VIVES n° 97

    Août-sept. Oct. 1981

    O

    Une maladie dont on ne veut pas guérir, la musique comme l’amour te parle de forces vives plus colorées que la santé. Tout ce qui pousse dru en ce monde, tout ce qui jaillit, éclate et brûle, tout l’allant des hommes et tout ce qui va vite ressemble à la chétive racine qui pousse en rampant sa face livide vers le soupirail, à côté de ces voix venues d’un enviable ailleurs, à côté des couleurs refusées aux peintres, l’insoutenable blanc fait de la giration de toutes les couleurs, la vitesse si grande que nos yeux douloureux ne regardent que l’immobile lac à goût d’éternité. La toupie à peine se déhanche pour qu’on la voie tourner, fond les couleurs peintes sur ses flancs en un lasso de lumière. Et la musique te cingle avec une violence que tu n’oublieras pas ; tu voudras encore souffrir de ce mal-là, tu regretteras cette sensation d’impuissance et de faiblesse extrême comme si, avec tout ton corps pesant, affamé, maladif, toute ta chair palpable, tu te retrouvais cheveu dans la paume d’une main que tu ne perçois pas, délestée de toi-même, souffle, pur esprit, inconsistante voix se mêlant à l’orchestre du monde, piccolo dérisoire et ténu autour de qui pourtant se taisent de temps en temps les cordes et les cuivres.

    Hélène Aribaut

    Bonnieux, La Colombine, 24 Nov. 1980

     

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  • EPITAPHE POUR SAINTE-VICTOIRE

     

     

    Montagne mon amie ma complice

    où j'ai guetté le miracle de chaque matin

    Depuis sept ans tu es mon horizon

    Allumée de rose tu m'invitais à vivre

    Je t'ai vue poudrée de mauve dans la brume

    Une écharpe de cygne au cou

    Incendiée d'amour au couchant

    Tragique sous l'orage

    Etincelante sous la neige

    Disparue dans l'averse

    Tes rochers présentaient leurs faces à la lumière

    et faisaient bouger tes reliefs

    La couleur des forêts débordait de ses lignes

    et tu t'ombrais comme une femme

     

     

    Une joie m'est arrivée

    Tu souriais à mon bonheur

    Tu l'accueillais parfois dans la bénédiction

    de tes parfums

    Puis un malheur m'advint

    Et tu dressais toujours ton vaisseau pour me dire :

    "Vois comme je suis belle et comme je dure !

    Ne te soucie donc pas d'un nuage qui passe"

     

     

    Je me suis mise à attendre

    Tu étais devenue un autel pour mes prières

    Je te volais des portraits avec mon appareil et mes pinceaux

    En aurore et en pluie, en bleu, en vert, en ocre rose,

    en lie-de-vin, en noir et blanc,

    en vapeur blanche et en esprit,

    grande dame en toutes toilettes

    le symbole de l'immuable

    dans le mouvement des saisons

    dans les caprices de lumière

     

     

    JE T'AI VUE NUE, DANS LE MISTRAL,

    FENDRE L'AZUR COMME UN COUTEAU

     

     

    Ils t'ont brûlée

    ILS T'ONT MISE AU BUCHER

    COMME JADIS LES SORCIERES

     

     

    Ils t'ont brûlée

    Et te voici, sépia et noir,

    endeuillée de toi-même

    Nous contemplons le désastre

    de ta pâleur mortelle

    de tes bois calcinés

    Nous respirons l'âcre odeur de la mort

    Nous retenons notre souffle comme

    sur un champ de bataille

    après que les derniers râles se soient tus

    accablés par un sentiment d'irrémédiable

     

     

    Il est venu pour toi, le temps de peine

    Tu pleures tes arbres, moi mes amours

     

     

    Pourtant, rocher, tu demeures

    et te dresses contre le vent

    Et je te regarde toujours

    Et l'espoir ne veut pas mourir

    Sous tes cendres bat le coeur

    de la vie obstinée

     

     

    Ils n'ont pu t'avilir

    Ils ont coupé ta chevelure

    Ils t'ont dépouillée de tes vêtements

    Ils t'ont saccagée

    Mais ils ne peuvent rien contre ton âme

    Ils passeront

    Et toi

    TU REFLEURIRAS

    Ton souffle

    dans tes arbres, dans tes parfums,

    dans le bruissement des insectes

    caressera nos visages

     

     

    Nous te gravirons encore en nous tenant par la main

    Et dans la gloire du sommet

    nous regarderons

     

     

    DE L'AUTRE COTE

     

     

                                                              Hélène Aribaut

                                                             Fuveau, le 13 Septembre 1989.

                                                             Publié dans Créart, la même année.

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  • Epitaphe pour un bon larron

     

    Toi qui toujours marchais de garrigue en ramures,

    Toi qu’on n’attachait pas longtemps entre des murs,

    Qui sellais ta moto, lavé de matin pur,

    Ton ancien corps est là, sous cette lourde pierre.

    Sans yeux pour tes amis, sans ouïr leur prière.

    Avec les autres morts sous le béton obscur.

     

     

     

    Mais ton âme est ailleurs, bien vivante et légère

    En haut d’une colline, entre thym et bruyère.

    De ta pipe elle monte, ainsi qu’une fumée

    Qui vient, qui va, repart du ciel ou de la terre,

    S’enroule autour d’un mont, demeure, hospitalière,

    Complote une visite auprès de gens aimés.

     

     

     

    Et dans leur cœur ils voient ta haute silhouette,

    Tes doigts sur ta guitare emplumée de poète

    Et de peintre de Chine, à l’encre et en points noirs.

    Ils entendent ta voix sonore, et ton rire,

    Ton prélude au piano, la rivière où tu mires

    Tes messages d’amour, la rage d’un espoir.

     

     

     

    Tu es parti bien tôt pour la mort buissonnière,

    Comme le fit Brassens il y a vingt ans : naguère !

    Mon prince, souviens-toi de ta dame, jadis.

    Aujourd’hui elle est là, qui ne rit ni ne pleure,

    Laisse son cœur ouvert chaque jour, à toute heure,

    Ecoutant le hautbois et le De profundis.

     

     

     

    Priant le Seigneur pour ton âme mécréante,

    Mais si remplie d’amour, d’humour, et pas méchante,

    Plaidant de ta bonté, de la guerre et du feu.

    Et Lui énumérant tous tes actes fidèles

    Afin qu’Il ait pitié, et te donne des ailes,

    T’accueille en Sa maison et t’ouvre tous Ses lieux :

     

     

    Des bois de châtaigniers, des jardins, la musique,

    Des chemins dans le temps, les langues archaïques,

    Des villes rose et or, de toulousains couchants,

    Des soleils africains, des tables provençales,

    Des Paris oubliés, navires et escales,

    Des gares d’Italie, des France d’artisans.

     

     

     

    Et puis une oasis, une cruche d’eau claire,

    Un désert somptueux, une borie de pierres,

    Là où tu lui fixas son lointain rendez-vous.

    Te rende enfin un corps que l’amour transfigure.

    L’oiseau de ce matin en a été l’augure.

    Elle Lui dit : « Mon Dieu, je me mets à genoux. »

     

     

     

    Elle Lui dit : « Mon Dieu, ressuscitez cet homme.

    Sa belle voix saura Vous composer des psaumes.

    Il ne fut à personne. Il est déjà à Vous. »

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  • Esprit, si tu pouvais me porter assez haut

    Vers ta montagne ensoleillée, aride et sainte,

    Et faire éclore là mon poème, ma plainte

    Maîtrisée en quatrains et tercets assez beaux

     

     

    En pétales ardents et fiers, d’un bleu nouveau,

    Pour me faire oublier l’amère vie éteinte,

    La douleur cramponnée toujours, ma force feinte,

    Mon sourire le jour, et la nuit mon sanglot

     

     

    Si je pouvais passer l’automne pourrissant

    En une seule nuit, un songe si puissant

    Qu’il me déposerait soudain à ma fenêtre,

     

     

    Un matin de printemps où je pourrais renaître

    Jeune et renouvelée, dans un exquis bien-être,

    Dans la grâce étonnée au milieu des encens !

     

     

    Hélène Aribaut

    Fuveau, 28 Novembre 2002

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  • Le bédouin

    Par défi, par résignation, allonge les étapes sans boire.

    Ses bêtes sont efflanquées,

    Toutes en pattes et en arrogance.

    Lui-même est sec, fait d’ombres verticales,

    Un pli orgueilleux à la lèvre.

    Son turban poussiéreux montre encore

    Quelques fils d’or éteint dans son tissage.

     

    Voici une oasis

    La rare concession d’un rêve

    Où il se passe peu mais fort

    Il se contente d’allonger la main

    Sur le caillou rond d’une épaule

    Qu’il a beaucoup désirée.

    Il rêve d’un autre rêve où

    Il se souvenait d’une nuit d’amour

    Qui n’eut jamais lieu peut-être.

     

    Sous ses haillons bat le cœur

    Du tout-puissant imaginaire.

    Sur son visage

    les larmes d’expériences illusoires

    Ont fait leurs ravins.

     

    Il repart rassasié

    Voile indigo

    Brume de sable

    Sur les échasses de son esprit

    Comme une gigantesque sauterelle.

     

    H.A.6 Juin 1989.

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  • Si je t'aime

    Je serai ce chien irritant qui te suit

    et qu’un jour méchant tu renvoies d’un coup de pied

    Il gémit, incrédule,

    et s’en revient sur tes talons

    et puis gambade devant toi

    t’invite au jeu, à la promenade

     

    Il n’a pas oublié

    qu’un autre jour de misère

    où il aboyait, l’écume aux lèvres,

    où il défendait ton approche d’un regard menaçant

    tu es venu à lui

    tu t’es accroupi

    tu as fouillé sa fourrure

    en murmurant une litanie bête et douce

    tu as trouvé sa blessure et tu l’as pansé

    tu lui as installé une litière près de ton feu

    et lui as dit des mots plus brûlants que les flammes

    qui lui ont guéri le cœur

    Depuis, à jamais attaché à tes pas

    il supporte tes mauvais traitements

    car il sait

    que tu es un aveugle qui marche

     

    Si je t’aime

    Je serai ce jardinier inlassable

    penché sur un arbrisseau malade

    Tout le monde lui dit qu’il n’a qu’à l’arracher

    Mais lui

    Il ramollit la terre autour de la tige

    comme on fait gonfler un oreiller

    il gratte du doigt la lèpre du tronc malade

    il lave feuille par feuille

    il arrose doucement

    et il regarde son arbre

    en lui parlant peut-être

    Patience après patience

    il verra les branches se redresser

    les mauvaises feuilles tomber

    et poindre à leur place

    de petits embryons verts

    C’est que la sève, en bas,

    Aura fini par l’entendre

    Et haussera la tête vers son baiser

     

    Si je t’aime

    Je serai une femme dont le sang coule

    ponctuel

    pour que coule la vie

    Je serai une femme lovée sur la douleur de son ventre

    une femme écartelée par la vie neuve qui sort d’elle

    une femme aux seins lourds et gercés

    qui se donne à manger

    au petit enfant goulu

    une femme présente

    attentive à tes besoins

    veilleuse de ta fièvre

    bondissante au milieu de la nuit

    parce que ta plainte murmurée

    a trouvé son oreille au plus profond

    au plus lointain, au plus délicieux de son sommeil

     

    Je souffre trop pour t’écouter

    Tu m’exaspères avec ton museau humide sur mes mollets

    avec ta fidélité stupide

    et tu me donnes envie de te battre

     

    Tu perds ton temps avec ton arrosoir

    Tu peux même m’inonder de tes larmes

    je ne pousserai plus

    je ne vivrai plus

    C’est trop difficile de lutter chaque jour

    contre le vent, contre le froid et contre les chenilles

    pour un hypothétique bouton que le gel brûlera

    pour un hypothétique fruit où le ver se mettra

    Et puis regarde-moi

    Es-tu sûr que je ne suis pas une herbe vilaine ?

    Qui t’a dit que je pourrais devenir grand et te donner de l’ombre ?

    Qui t’a raconté la sornette d’un fruit lourd et doré

    suave à ton palais

    soufflé comme une bulle

    de la maigre sarbacane de ma branche ?

     

    Et pourquoi tant de soins, ma mère ?

    Je n’ai pas demandé à venir

    Il faisait doux et chaud dans les limbes

    Tu m’as jeté dans ce monde froid

    dans cette lumière crue

    dans ce monde cruel

    et ma première inspiration a été une brûlure

    Qu’adviendra-t-il de moi ?

    Serai-je une fille parturiente comme toi

    une femme qui s’use au service d’une famille ?

    Serai-je un fils que la vie accablera bien des fois

    et peut-être un homme qu’on jettera dans le charnier d’une guerre ?

     

    Oui, mais pour moi, le chien, qu’elle est belle,

    la promenade du matin dans la colline

    dans les parfums nouveaux de l’aube

    dans la lumière bien lavée des premiers rayons

    lorsque je jappe d’allégresse

    et offre à ta paume la soie floche de mon col !

     

     

    Comme brille ta feuille qui tremble dans le vent

    lorsque je renverse la tête sous tes ramures déployées

    quand tu as enfin consenti à grandir, mon arbre !

    Comme elle fond sous ma langue

    la chair satinée de ta pêche

    comme se froisse sous ma dent la pruine et le velours de ta peau !

     

     

    Et comme tu es beau à regarder, mon enfant,

    lorsque tu cours dans le soleil

    l’œil brillant, la joue animée,

    comme elle est douce, la musique de ta voix

    comme elle est chaude, l’écharpe de tes bras

    lorsque tu l’enroules autour de moi

     

     

    Comme la vie est dure

    Comme la vie est bonne

    Et comme elle a raison de s’obstiner !

     

     

     

                               Hélène Aribaut

                                               Fuveau, fin 1987 ou début 1988.

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  • Pourquoi ne peut-on demeurer

    sur les sommets rocheux

    les champs de fleurs

    les neiges éternelles

     

     

    ou bien dans les grands fonds marins

    où bougent les coraux

    aux étages de la paix inaltérable ?

     

     

    Pourquoi faut-il que la vie

    cruellement nous repousse

    vers les vallées enfumées

    vers les vallées de larmes

     

     

    nous rejette à la crête

    des vagues et des tempêtes

    dans la mousse salie

    des débris de batailles ?

     

     

    Pourquoi, pourquoi tarder

    à nous appeler

    aux félicités promises ?

     

                                          Hélène Aribaut

                                           Fuveau, 11 Août 1987.

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  • Poète, tu es celui qui ne veut pas tenir de place.

    Petit lit dans la chambre trop peuplée

    Silence de la lecture

    Plus tard silence de l’amour.

    Tu as croisé des gens tonitruants

    Qui n’ont jamais douté de leur légitimité

    Qui exigent et qui puent en toute souveraineté.

     

    Tu as choisi le livre le plus dépenaillé

    Sans couverture ni nom d’auteur

    Et en as fait ta Brocéliande.

    Tu t’es fabriqué des disques de carton

    Que tu faisais jouer dans ta tête capitonnée.

    Tu as déroulé, entre deux bâtons,

    Des cinémas peints sur cellophane.

    Tu as fait tenir ta littérature

    Sur des bouts de papier

    De petits carnets grignotés sur la vie que d’autres te prenaient.

    Tu t’es laissé envahir par ce que d’autres construisaient.

     

    Mais enfin !

    Quand vas-tu oser ?

    Ose la tendresse de ton regard sur le monde

    Ose tes images.

    Ose ta musique.

    Mêle ta voix aux chœurs des prophètes

    De ceux qui voient et disent

    Avant que demain advienne.

     

    Le Haïku est miette

    Que seul l’oiseau convoite.

     

    Offre aux hommes la moisson abondante

    Que leurs yeux atrophiés ne peuvent percevoir.

    Illumine pour eux des champs

    Dresse des arbres et des montagnes

    Fais rugir le tonnerre.

     

    Garde pour Dieu la simple goutte

    Où tremblent des mondes.

     

    Hélène Aribaut

     

                                                                        ACCUEIL

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  • Quand les gestes sont INTERDITS

    Les mots BAVARDS

    La musique EPUISANTE

     

     

     

    Il reste ce milieu du jour silencieux

    où se taire et contenir son coeur

    jusqu'à ce que le sommeil

    à notre félicité

    mette un point d'orgue

     

     

    Nous avons mérité l'oiseau en nos jardins

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