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Brouillon
C'était beaucoup trop tôt pour commencer ma vie
Alors je la rêvai. Et encore aujourd'hui
Je rêve à ce qui fut, qui aurait pu, peut-être,
Et ne sera jamais. Il est trop tard pour être ! ?
« Mais non ! dit le docteur, qui donc a décidé
Que vous étiez finie ? »
Son sourire était franc, et je voudrais le croire.
Mais s’il faut contenter mon désir infini
Réaliser mon rêve, enfin, c’est tout le soir
Des dernières années, que je devrai, couchée,
Solitaire, enfermée, écrire, écrire, écrire !
Tout ce que j’ai capté, compris, thésaurisé,
Avec la peur que nul ne veuille n’en rien lire.
Je me suis interdit d’être assez égoïste
Pour prendre la lenteur dont j’aurais eu besoin,
D’oublier ma famille et de vivre en artiste
Focalisée sur l’œuvre au détriment des miens.
Vivre, écrire, voire, mais qu’écrire sans vivre ?
Je suis sûre à présent d’avoir fait le bon choix
Ou plutôt que quelqu’un m’ait guidée malgré moi.
Il faut beaucoup de temps, de larmes et de livres,
Avant d’oser parler au terrible inconnu
Qui court les librairies et choisit au feeling,
De lui donner à voir mon âme toute nue ,
Lui assis, chapeauté, moi debout sur le ring.
Victime ? Paresseuse ? Malade, ou encore lâche ?
J’attends toujours le jour où je me croirai prête
A me jeter à l’eau. De tous ceux qui m’attachent
De sournoise tendresse, o combien peu me fêtent
Pour mes fugues de mots. C’est tellement commode
Que je ne change pas, et que je sois malade
Que je laisse la place
A leurs façons de voir, à leurs façons de vivre.
Gentiment il m’enfonce en culpabilité
Celui qui fait sa vie et ne veut rien savoir
De ce que prévoyait cette enfant réfléchie
Que je suis demeurée, mais ligotée par quoi ?
Par quel secret, non-dit, mensonge ou même drame,
Suis-je non pas stérile, frigide, mais flamme
Mortelle, clandestine, et qui veut s’envoler ?
Dans la Bible j’ai lu : « Qui veut garder sa vie
La perdra sûrement. » J’ai compris qu’en perdant
Le chemin désiré, je faisais Dieu content.
Mais à présent, l’horreur se présente à mes yeux :
Si c’était le contraire ? Et ma vie protégée,
Au lieu de me tuer à dire pour les autres ?
Hélène Aribaut,
4/5 Mars 2004.
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