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J'ai triché sur la date de cette publication afin qu'elle apparaisse en tête de la rubrique.
Mais la vraie date est le 9 Janvier 2015.
Enfin j'ai compris comment jouer avec les différentes transparences, en ajoutant un voile sur des surfaces sélectionnées.
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München
Nous sommes entrés, les mains ouvertes, sur les pavés brillant de lumière de fantastiques médianoches. L'église des dames se penchait sur la Marienplatz. Nous avons vu les gnomes aux yeux de porcelaine, aux joues rouges, trousser haut leur redingote et danser autour de l'horloge une chaconne sans ficelle. Et planait dans l'ombre éclairée de phares glissants une musique diffuse, la connivence des songe-creux.
Les portes roses de l'ancienne ville distillaient la lumière chaude du dernier après-midi, été miraculeux du mois d'octobre. Nous avons regagné en titubant le miroir à hiboux, croisé deux amoureux qui choisissaient des meubles, composé sur le glouglou d'un lavabo voisin un opéra d'avant-garde. Et j'oubliais : rencontré au coin de la Müllerstrasse, près du théâtre des Marionnettes, le vieux marchand d'orviétan qui radotait des fantaisies à la manière de Satan. J'ai ouï, dans les cafés, d'inquiétants dialogues qui finissaient dans un étranglement si prodigieusement rauque et profond qu'ils m'envoûtaient sans que je les comprisse. J'ai frémi aussi à certains mots chuintants, frisés comme le champagne et qui semblaient amener sur les visages, pour un instant, la même euphorie légère des flûtes de cristal. Nous avons, mon amour pour Heinz dans mon manchon et moi, dévidé la nuit munichoise et visité les bancs publics du paisible jardin botanique, espérant y trouver l'amulette de quelque étudiant possédé ou le grimoire d'un conseiller aulique, mais nous n'avons surpris que la chambre ordonnée d'une Allemagne consciencieuse et presque maniaque.
Hélène Aribaut
Munich 1965
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Debussy, le chant des sirènes de mes jeudis perdus
Le poème naît de riens comme une écume
Il frise de salive les galets épars
épaules, genoux, méplats des joues
Il sale de varech l'anse ouverte d'une enfant qui attend
Le soleil fleurit des micas sur la grève humide
Mais l'enfant n'a jamais vu de grève humide
Elle connaît un soleil carré entre les façades grises
un mur géant
et la puanteur des cabinets
un soleil capable pourtant d'allumer des geraniums
Le poème est une balançoire incertaine
Les paupières se serrent sur des miroitements
Plus tard elle rencontrera le mot "glimmering"
De l'aube à midi la mer scintille dans la petite boite ouvragée de la radio
Une petite fille se souvient de ce qu'elle n'a jamais vu
Mais sait-on
Les sirènes halent longuement des filets de pêche et de vieille mémoire
hululent la douleur si douce d'exister
La petite boite de la radio résiste au fracas des vagues et se révèle
coquillage, conque magique où mugit maintenant la mer tout entière
le chaos de la genèse sur quoi passe un souffle puissant et souverain
L'enfant se perd dans cette musique d'éternité
Elle gémit sans avoir commencé à gémir
Toute sa vie elle gémira en poèmes
une respiration
une eau qui naquit d'écumes rassemblées
des larmes trouvées dans la mer originelle
pour les peines passées, présentes, à venir
une force qui toujours revient à ses sources profondes avant de monter
de s'enfler. Les bras ouverts qui ratissent de sournoises fugitives
une force qui enfle en silence sous une ondulation menteuse
une force qui se jette soudain
tonne, explose
et se résout comme la tempête et le plaisir
et recommence, et recommencera
Le port, le vrai port est cette chose qui dure et qui fait semblant de se briser
L'enfant heureuse sait qu'elle a trouvé sa vraie patrie et sa matrice
sa patricienne origine et sa mère de toute éternité
La claustration du jeudi répétée semaine après semaine,
des années durant
Seule ? Non pas. Avec les mots de quelques livres
avec des orchestres entiers se débattant comme des djinns dans la bouteille providentielle de la radio
Le monde entier ses parlottes et ses rumeurs et ses moulins à musique
le grésillement des ondes et des insectes, avec parfois le silence sidéral d'une montagne abandonnée
et jusqu'aux océans qui battent leur pouls sans mesure dans la petite boite
dans la petite pièce close aux rideaux de plastique blanc et bleu
dans l'oreille et le coeur béants d'une petite écolière privée d'école
d'espace et de course, et de voix connues
et qui s'invente le monde
Plus tard, rien ne l'étonnera
Les mots et la musique lui avaient tout appris
Claude de France, petit enfant pauvre aussi et trop sensible, a envoyé son message d'amitié, le choc avec la beauté
à la petite fille du 27
A présent plus rien ne pourra être laid, sordide, abandonné
Dans les pires moments on peut se balancer comme les enfants fous
on peut se bercer comme les enfants dont la mère n'a pas le temps
Dans les pires moments et dans les meilleurs
de rêveries vagues, de caresses effilochées, de plaisir clandestin
dans la litière d'un long matin
la solitude voluptueuse de l'imaginaire
un suspens
une attente
une résistance passive organisée dans la chaleur des draps, avec des livres de contes et de misère
des princesses en haillons que reconnaît le prince
des petites filles du peuple hardies et pures
qui se bâtissent des fourmilières-bonheur avec la drogue facile des relectures
un état de siège douillet où l'on compte ses richesses
Papa, Maman, le soleil, les géraniums, le jardin des plantes et les vacances chez Mamie et Bon Papa
Mais ici les livres, les histoires, le sésame de toutes évasions
et cette langue d'outre-temps qui ne dit rien et qui dit tout
qui fait du mal et qui apaise
et que tout le monde comprend
la musique des origines
la bienheureuse mer
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MIGRAINE
Vrais amis des moments noirs je vous soumets à rude épreuve
Quand l'espoir reflue
Quand je me vide de toutes les marées jaillissantes et poissonneuses
Quand dans ma tête roule un tambour de guerre
Quand la mort vient battre des ailes dans mon âme et danse son vol de noire séduction
Vous êtes là à me tenir la main
à me retenir au bord d'un vertige mauvais
Vous vous taisez ou bien vous dites les paroles de secours
et moi
je crache ma douleur en larmes et mots amers
en mots qui vous cinglent
Vous repartez chargés des miasmes de ma maladie
J'en suis encore toute remplie
Accablée de ce débordement de souffrance
Mais j'avale une petite dragée rose
Je ferme les yeux. Je ne bouge plus.
Et voici
que le tambour s'éloigne comme une armée vaincue
comme un orage qui recule
Et la bonne marée revient tout doucement
ramper sur mes sables de tempêtes
vient y sculpter la douce ondulation des vagues assagies
Une tendre chaleur se répand comme une huile
Et c'est alors
alors seulement
que je vous vois
que je vous entends
Cette chaleur bienheureuse qui vient battre en moi jusqu'au bout de mes doigts
Ce bonheur d'exister revenu
c'est vous
c'est l'amitié fidèle qui circule dans mes vaisseaux et me rend la vie
Amis vous m'avez transfusée et vous êtes partis
avant d'avoir revu le rose sur mes joues Avant
d'avoir pu écouter mon souffle paisible d'endormie
A présent je me réveille comme d'une amnésie
Une autre personne qui ne sait plus
qui ne comprend pas
Qui étais-je hier ?
Un corps malade, essoufflé, martelé
Une âme souffletée, noyée, empoisonnée
Qui étais-je ? Je veux l'oublier.
A présent que la bonne vie respire
Que je me sens tout arrondie d'elle
je veux vous redonner les fleurs de mon jardin
les fruits de mes arbres
le chant de mes oiseaux
Il y a un oiseau qui tous les matins m'appelle
Il m'ouvre le jour
S'il vient à manquer le jour commence triste
et boîte jusqu'au lendemain
Mon oiseau, ne me laisse pas
Mes fenêtres sont ouvertes
Tu peux entrer et t'en aller Je ne te retiendrai
jamais prisonnier mais viens
Viens me visiter
Chatouiller dans ma gorge le goût de chanter
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SPECIFIQUEMENT FEMME
Grève de la lumière. Grève de la musique. Araignée au milieu de sa toile de silence, j'écoute vibrer encore les ondes du dernier rêve, du rêve triste, comme prémonitoire de ce jour atone, humide et froid, mortuaire. Tu étais pourtant dans mon rêve, mais hostile, opposant un sarcasme muet à ma famélique tendresse. J'ai laissé sourdre un vrai gémissement qui m'a réveillée. Je geins de misère physique, de solitude froide, d'un désir impossible à calmer, et qui ignore lui-même ses contours.
L'enfant en moi s'est éveillé aussi, a tambouriné à mes cloisons un langage réflexe dont je n'ai compris qu'un message : "Je suis là. Je suis vivant. Tu n'es pas seule." J'ai caressé ce coussin chaud et turbulent, cette enflure de ma chair après la morsure amoureuse. J'oscillais entre les larmes sans raison et une joie immobile. L'enfant a étiré un membre aux confins de ma hanche, pinçant et chatouillant, me faisant tressaillir au bord de chaque assoupissement. J'ai dû basculer comme un sablier sur le flanc, l'obligeant à couler sur l'autre versant, mais je prenais le risque d'espiègleries symétriques.
Dans ce silence isolé des champs, je puis sans témoin gémir en plein jour, laisser couler de moi la plainte comme les larmes, la salive, l'urine ou le sang, comme cette liqueur sans nom du désir et de la volupté qui se teignit de rose, un jour, sur ta main étonnée. Ces mots pour me souvenir me brûlent et m'autorisent à de plus osés fantasmes. Mon ventre se fend sous ta bouche comme la grenade éclate et saigne sous l'été - et la crevasse ensuite demeure béante, se desséchant au soleil, cicatrice cautérisée à vif et condamnée à ne plus se fermer.
Mon sang a passé comme un orage diluvien et emporté ta semence. Ainsi le vent se déchaîne et remodèle les dunes, pour les punir d'avoir molli sous la caresse solaire. Mais le peuple souterrain des fennecs se rit des frayeurs de la surface, et revient orienter ses oreilles à l'écoute des voix inchangées du désert. Mon sous-sol s'est lavé de semailles illicites, mais un germe a crû, qui taira toujours une part de ses origines.
Et l'enfant consomme innocemment l'inceste originel, en pesant sur mes terminaisons nerveuses les plus ténues, les capillaires dangereux dont la moindre pression attise la chaleur irréversible...
La Colombine, 1977
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Gémellité
Une moitié de moi est rigide
L'autre la touche sans comprendre
incrédule et terrifiée
Mémoire d'avant l'âge
Dans l'habitacle de ma mère
deux peut-être je vivions
chaleur, douceur, berceau
deux et un seul indivisible
noués à la même source de vie
deux pareils et autres
masculin et féminin, alpha et oméga
l'envers et l'endroit
tête en haut et tête en bas
bienheureuse complétude
pouls battant en écho
succion du désir de vivre
à l'écoute de la même marée rassurante
du sang maternel
Et puis
-amnésie de l'évènement-
violence, séisme, crime, accident,
qui le sait ?
soudain
mon toucher aigu d'enfant qui n'a pas encore ouvert les yeux
cette raideur contre moi
Qui est mort?
Moi ? L'autre ?
L'autre moi-même ?
L'horreur de me toucher, morte.
Je touche. Je ne suis plus touchée
La radio ne répond plus
La terreur
Ensuite
L'oubli.
Est restée la douleur d'une amputation
Mais parfois le contraire
je suis ajoutée
Ai-je ouvert la porte à cette âme chassée,
à cette âme éperdue ?
Ce serait pourquoi ce trop-plein
cette richesse
cette tension, cette pression,
ces déchirements.
Double.
Je dois enfouir une âme entière, ne la faire surgir qu'à petits coups.
Ma tête, abri trop étroit pour un passager clandestin.
Toi qui en cachette t'es réfugié en moi
invisible hypertrophie
sentir double
joie double
douleur monstrueuse
Et ne le dire sans effroi
Défendu
Mon frère jumeau.
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BOITE VOCALE
La boite vocale me commandait :
« Appuyez sur ci, appuyez sur ça. »
Mais mon c as n’était pas prévu
Et elle ne pouvait rien inventer.
Quel soulagement quand j’entendis enfin la vraie voix de quelqu’un
Qui m’écoutait, me répondait !
Je lui supposais un visage rose et bien lavé
Un air propret de mère attentive et d’amie dévouée.
Je l’aurais embrassée.
On n’embrasse pas un être virtuel.
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